Regard

sur NOTES DE PASSAGE, une création de Dominique Sorrente et Andelu

       

Tipaza éditions

                               

Il arrive que la vie sépare ceux qui s’aiment, tout doucement comme dans la chanson ou de façon brusque, accidentelle, vertigineuse. De cette scène-là, vulnérable entre toutes, quoi dire ? C’est d’ici, de ce temps de distance consentie, que Dominique Sorrente nous parle. À tâtons, d’un rebord à l’autre. Avec les mots de l’ordinaire qui mélangent les sensations, passent aux aveux, parcourent les lignes du temps vécu.

Et cela donne une pratique singulière du manque, un apprivoisement de la distance, une suite faite d’élans et de vides, de souvenirs et d’appels, des notes de passage, écrites ou chantées sur une partition devenue par bien des aspects indéchiffrable :

Est-il possible

que le temps réapprenne ainsi à se déplier

d’une scène à l’autre,

lentement,

sous nos mains écartées qui s’ajustent,

possible

que le temps se dépose

sur la case de gauche, sur la case de droite,

forme un précaire triptyque de mots

et de couleurs,

et puis quoi ?

Mais l’ouvrage proposé ici va plus loin encore grâce à sa fabrication étonnante, conçue par l’éditeur Tipaza dans sa collection Métive.   

Le concept original est fondé sur une technique savante de pliures et découpes d’une feuille qui s’ouvre, laissant découvrir peu à peu poèmes et peintures, jusqu’à occuper l’espace dans une figure mobile insolite. Chaque exemplaire, imprimé en offset quadrichromie, reproduit cinq œuvres saisissantes de l’artiste Andelu, réalisées dans son atelier de Vallauris.

Et ainsi les pages écrites par Dominique Sorrente sont-elles portées par les lumineuses traces picturales à dominante de jaune et de bleu qu’ Andelu a placées en contrepoint des poèmes.

Le tout forme une suite musicale qui se prête naturellement à une lecture lente du livre. Avec ces pages qu’on ouvre peu à peu dans l’espace comme on découvre un cadeau inconnu. Dans ce livre fait d’une seule feuille, il y a quelque chose d’un jeu profond et naïf à découvrir autant avec les yeux qu’avec la main. Les poèmes apparaissent, l’un après l’autre, rythmés par les peintures. Puis ils se referment en douceur pour que le livre redevienne un tout, immobile pour un moment. En attendant que d’autres mains, à nouveau, entreprennent la découverte du geste. Avec une forme de sagesse orientale, façon origami.

On l’aura compris, ce petit livre contient plusieurs usages, plusieurs facettes qui se répondent. C’est ce qui lui donne toute sa rareté. Poèmes, peintures, façonnage se sont ici donnés rendez-vous. Qu’on découvre ces Notes de passage en lecture intime ou en scène publique donnée par le poète, le lecteur-spectateur aura la même impression : celle d’avancer à travers les poèmes vers l’inconnue d’une rencontre.

Une façon d’explorer cette part de mystère qui revient sans cesse visiter l’œuvre de Dominique Sorrente. En quête d’un mouvement qui fasse surgir le sens « Comme sur une lettre à l’encre sympathique ».  

Tout ça prendra du temps.


Un jour, je trouverai plein cœur

ta place exacte
que personne ne pourra plus déloger.

Par seul amour, nous nous tremperons dans la nuit

et nous agrandirons la ronde.

Anne Lofoten

Commande chez l’éditeur Tipaza : www.editions-tipaza.com

Exemplaire numéroté : 15 euros.

Exemplaire de tête : 80 euros