CHANSON, POÈME – le dialogue improbable

Elle ( la chanson) : Tu pars avec moi,  mon poème ? Tu ne réponds pas…

Lui ( le poème) : Non, j’ai trop à faire  à gribouiller dans ma chambre noire.

Elle : Tu trouves que c’est une vie…

Lui : Je n’en ai pas trouvé d’autre pour déballer mon bric-à-brac, mon eau-de-vie, mes jeux de cartes, toutes mes histoires à marcher allongé, mes pensées d’âme errante.

Elle : J’avoue que ça m’intrigue, ton désordre…Oui je suis passé à ta hauteur par la fenêtre pour te voir faire. Visiblement ça déménage chez toi… Pas facile de t’approcher, mais… j’ai mes ruses…

Lui : Bon, tu crois que je ne te vois pas…Hé bien tu as raison. Je t’entends. Je t’entends partout, à vrai dire. C’est fou ce que tu deviens obsédante. Tu remues, tu joues de caresses, d’arpèges, de vibrations. Tu t’infiltres partout…Tu ouvres des mélodies, tu tournes manège avec tes rythmes…et en avant la ritournelle !

Elle : Et si on sortait ensemble voir le monde…

Lui : Bon, tu as gagné. Juste une petite pause…Mais j’emporte avec moi ma ration de silence, et mes morceaux d’énigmes. Et aussi mon panier de phrases à croquer…Et encore, ma gourde pleine de métaphores…

Elle : Ne t’en fais pas ! Même ton briquet à virgules, si tu veux, dès fois qu’on ait un petit creux sur la route. Je sais…tu as faim de tout, de femmes, de souvenirs, d’envolées, d’averses passagères, d’oiseaux sans nom avec leurs gloires miniatures. On va loger tout ça dans notre roulotte… Dis, mon poème, si on jouait au corps à corps ? Ça te fera reprendre des couleurs…Tu es, quand même, un peu pâlot.

Lui : Tant pis, tant mieux, tu me montreras…je n’ai pas tous les codes…Je fermerai les yeux alors et je visiterai ton monde…tu penses que j’assisterai au passage des anges…

Elle : Mais oui, mon ballot anxieux, c’est juste une affaire de rythme.

Lui :  Je me dis, tout compte fait, que je ferais bien de t’accompagner, au moins pour un instant.

Elle : Allez. Reconnais-le. Tu ne t’es pas fait prier longtemps…Et moi, je suis bien installée maintenant. Voilà, voilà…Je me pose dans un creux d’une strophe. Et puis, vite, dès que tu sautes à nouveau parce qu’un couplet inconnu se signale à l’entrée du port, je te rattrape. C’est fou ce que nous allons inventer ensemble !

Un zeste d’ombre, un zeste de clarté, la mélodie et le silence, les arpèges et les vibrations et tout le tralala…

Lui : Et tout ce paysage qui nous dépasse tous les deux d’un rêve d’amour fou, au moins. Avoue-le, nous sommes de drôles de compagnons, chamailleurs à volonté, mais si complices en vérité.

Elle : Toujours de passage, et tout heureux d’être ici. Toi, mon poème, moi ta chanson. C’est la vie qui s’arrime, au fond.

Lui : Pas mal, ta formule! Je sens qu’on s’enhardit à vue d’œil.

Elle : On prend de la graine …d’inspiration.

Ensemble : C’est la fête des mots, non ?