Bio dégradable

   

Naissance : Milieu de nulle part, au milieu du dernier siècle.

Dit être né à Nevers. Dit être né vers. En bord de Loire, le dernier fleuve de France. Entre un coup de botte, la petite Bernadette Soubirous devenue grande et cloîtrée, Hiroshima mon amour et le suicide de Pierre Bérégovoy… Répète que beaucoup d’eau a coulé sous le pont avant sa naissance comme après. 

Ses parents l’appellent Dominique. Et pour qu’il n’y ait pas de confusion, lui donnent comme second prénom Anne. Plus tard, cela occasionnera des discussions douteuses lors des visites médicales chez les Pères Jésuites.

Décès : mention à compléter à convenance mais sans précipitation intempestive

Enfance figue et marron, olympienne et sablonneuse, vent d’ouest et mistral gagnant, bon élève en général mais renvoyé un jour de l’École pour cause d’insolence en écriture ; ne s’en est jamais vraiment remis.

Et il chuchote que c’est tant mieux.

Adolescence : tout à signaler.

Âge adulte : à partir de 1978 (parution de Citadelles et Mersédition de la revue Sud), commence la poursuite à épisodes des poèmes de la maturité qui ne cesseront depuis d’être déplacés au lendemain.

Une étagère de carnets gribouillés, des publications en veux-tu en voilà, une grosse vingtaine de livres, et le flot en continu d’un journal de bord sans mot d’ordre, appelé pour cela « journal de débord »: la quête est loin d’être épuisée tandis que le public semble l’être parfois.

Selon les récentes recherches des archéologues, trois formes d’expression se dessinent et se répondent au cours des années : la poésie en sentinelle des instants, panique et jubilation, la micro-fiction pour la part d’insolite bigarré, la chanson et ses insistantes cordes sensibles.

Sorrente: a pris le nom d’une ville étrangère, prononcé dans sa langue native; s’est dit que ça ressemblait délicieusement, furieusement, étonnamment à toute parole de poésie qui se respecte. Une langue irréductiblement étrangère, cachée dans la langue commune.

Ajoute parfois, quand on l’asticote de trop en position allongée, qu’il a choisi son nom, parce qu’il est celui que le Sort Hante.

Depuis un petit quart de siècle, c’est dire bien plus que vingt années, le susnommé, impétrant à ses heures perdues, anime un objet poétique non identifié (un Opni), le groupe du Scriptorium, qui tient une bonne place dans l’univers des introuvables.

Dernière nouvelle: a oublié dans un coffre de l’avion retour de Montréal un sac rempli de cadeaux souvenirs. C’est tout lui.  Guette depuis le bureau des objets égarés où il pourrait bien se retrouver lui-même d’ici peu. En attendant, perché à nouveau sur sa colline, a repris ses exercices de beau joueur à qui perd gagne.  Se souvenant que l’eau n’en a jamais fini de couler sous les ponts, surtout quand ils n’existent pas.

Et que selon son dernier titre, Ici ne tient jamais en place.

La cause de ce poète étant désespérée, elle finira bien par cesser d’être grave…